La part modale de 10 % de camionnage du projet Laurentia ne tient pas la route

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L’analyse du rapport provisoire de l'Agence d’évaluation d'impact du Canada (AÉIC) et la préparation du mémoire de notre organisme a permis de faire ressortir des questions et des doutes importants concernant les affirmations du Port sur la part modale du camionnage. Dans cette ultime phase de consultation publique, où la vérité, les faits et la science ont pris une importance particulière, l'analyse comparative de certains ports canadiens et américains indique des faits sur les parts modales entre le camionnage et le train, qui sont très différents des prétentions du Port. Ces parts prétendues par le Port et celles constatées sur le terrain pourraient soulever des effets négatifs importants sur la congestion routière, la qualité de l'air et les GES (gaz à effet de serre). Rappelons que le Port de Québec affirme que 10 % des conteneurs seront transportés par camion et 90 % par train.

 

Dans une publication de juin 2017, Daniel Dagenais, VP Opérations du Port de Montréal, indique qu'environ 2 500 camions franchissent l’entrée du port chaque jour pour livrer ou recueillir des marchandises. Dans ce cas, 55 % des conteneurs du port sont transportés par camion, comparativement à 45 % par train. Le Port manutentionne annuellement 1,4 M de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds).

 

Dans le rapport provisoire de l'AÉIC pour le projet Contrecoeur (1,15 millions de conteneurs par an), le port de Montréal indique que 45 % des conteneurs seront déplacés par train et que 55 % des conteneurs seront transportés par camion, ce qui représente environ 1 200 camions/jour entrants au terminal. Les parts intermodales du projet sont identiques à celles des terminaux existants sur l'île de Montréal, ce qui est cohérent puisque aucune variable ne pourrait expliquer une différence.

 

D'autre part, un expert maritime, Brian Slack, Ph.D. professeur émérite à l’Université Concordia a affirmé dans son mémoire à l'AÉIC sur le projet d'agrandissement à Contrecœur et sur le projet concurrent de Québec : « Moins de 10% des conteneurs qui seraient transportés au port de Québec viendraient du marché local. La grande majorité des conteneurs devraient être transportés dans la région de Montréal et en Ontario. Les liaisons ferroviaires à Québec sont mauvaises et, par conséquent, la plupart des conteneurs seraient transportés par camion vers Montréal et au-delà. L'utilisation inévitable du camionnage par la plupart des conteneurs manutentionnés au port de Québec représente un enjeu environnemental et sécuritaire important. »

 

Ces faits sont à l'opposé des prétentions du Port de Québec pour une part du camionnage de 10 %. Mais qu'en est-il ailleurs comme les terminaux de conteneurs du Port d'Halifax ? Une étude commandée par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et produite par CPCS en 2016 (firme conseil en gestion d'infrastructures) indique que leurs consultations ont permis d'apprendre qu'environ la moitié des conteneurs arrivant au port de Halifax partent par rail, le reste étant acheminés par camion à destination de la province, du Nouveau-Brunswick et du Québec. Il est à noter que les trois ordres de gouvernement tentent de résoudre des problèmes importants de congestion causés par le camionnage au centre de cette ville historique fondée en 1749.

Nos recherches sur le port de New-York – New-Jersey et sur celui de Los Angeles - Long Beach indiquent des parts modales du camionnage supérieures à 70 %. Conséquemment, nous ne pouvons croire aux prétentions du Port de Québec et nous soulevons d'importantes questions sur sa justification. Le Port affirme que la faible part du camionnage dépend des marchés cibles éloignés qu'il vise comme le Midwest américain et le sud de l'Ontario. Toutefois, les expéditeurs et leurs clients ne discrimineront pas les marchés quand un porte-conteneur devra livrer rapidement à Québec et à leur destination finale des cargaisons pour le Bas-St-Laurent, Montréal ou le sud de l'Ontario. Les arguments du Port ne tiennent pas la route. D'autant plus que le Port est allé chercher l'appui des maires des régions limitrophes en prétextant une meilleure desserte pour leurs entreprises. Un regroupement de gens d'affaires a aussi créé Pôle Québec Logistique pour promouvoir le transport maritime et favoriser la distribution des marchandises le long de Saint-Laurent par petits bateaux. Une étude de Transport Canada (Frais d'exploitation du camionnage et du transport intermodal de surface au Canada – Mars 2008) révèle que le camion est plus rentable et plus rapide pour les destinations situées à 1000 km et moins et que chaque opération de transfert vers un autre mode diminue l'avantage concurrentiel. Inévitablement, le Port de Québec devra et concurrencera ainsi le Port de Montréal pour servir tous les marchés à proximité du Québec et de l'Ontario, si Laurentia se réalisait; telle est la logique d'affaires. Seul les terminaux de Prince Rupert manutentionnent des conteneurs avec une part modale de 90 % pour le train, selon un article de Mark Szakonyi, rédacteur en chef de JOC.com (Journal of commerce), qui cite le président et PDG du CN, Jean-Jacques Ruest. Précisons que la ville de Prince Ruppert est située au nord de la Colombie-Britannique, éloignée des grands centres urbains. Seule la ville d'Edmonton, sise à plus de 1000 km, représente un marché significatif dans les environs (1,5 M de consommateurs). Par conséquent, si l'on compare Laurentia à Montréal tout en étant conservateur et si le projet de terminal de conteneurs de Québec se réalisait, ce serait 50 % des 700 000 des conteneurs qui pourraient passer par les routes de la Ville pour y sortir ou y entrer, via les ponts. Cela représente annuellement 350 000 passages entrant ou sortant. Sur une base de six jours par semaine, moins les jours fériés (300 par an), on devrait s'attendre à 1166 passages de camion quotidiennement. Ces camions passeraient dans les deux sens par les boulevards Henri-Bourassa, Charest, Champlain et l'autouroute Dufferin-Montmorency et aboutiraient tous sur le boulevard Henri IV pour traverser les ponts avec tous les inconvénients qu'ils représentent en termes de bruit, de poussière, de GES et de congestion routière. Un grand nombre d'automobilistes de la région et plusieurs résidents des quartiers centraux vivraient ainsi les réalités du camionnage et de la congestion. Selon la méthodologie et les hypothèses du Port, le transport terrestre est estimé à seulement 90 camions par jour, 6 jours par semaine, soit 28 378 voyages de camion par an, ce qui est considérablement sous-estimée. ASLB demande donc que l'AÉIC ou tout autre organisme public réalise une étude indépendante compte tenu que les chiffres du Port sont basés sur des parts modales irréalistes et qu'une analyse adéquate sur la congestion routière, la qualité de l'air et les GES doit être faite pour faire ressortir la vérité. La décision du gouvernement fédéral doit s'appuyer sur la science.
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Daniel Guay
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    General opposition to project
    Date Submitted
    2020-12-18 - 9:25 AM
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